Elle était là, sur les marches de son carbet, à la toiture faite de bardeaux de bois,à fumer sa pipe. Elle continuait à raconter l'histoire de cette petite indienne .
Elle partait, le matin avec son arc et ses flèches et elle empruntait le layon, ou petit sentier, qui s’enfonçait dans la forêt équatoriale. Elle connaissait toutes les essences des arbres, elle nommait rien qu’en les voyant les plantes, celles qui étaient utiles et celles qui étaient dangereuses…Les vieilles femmes lui avaient déjà appris les secrets de la pharmacopée indienne. Elle savait repérer les trous où se cachaient les mygales, distinguer le feulement du jaguar de celui de l’ocelot… Et tant d'autres choses encore qui vous permettaient de rester en vie.
Là, au sommet d’un arbre, elle venait d’apercevoir un cul-jaune. Elle prit dans ses mains la longue flèche kamata réservée à la chasse aux oiseaux. Une flèche dont le bout est formé non pas d’un fer mais terminé par un bout non pointu et d'un morceau de carapace de tortue. Il ne s’agissait pas tant de tuer l’oiseau que de l’assommer. Ainsi, on n’abîmait pas la bête.

Elle lissait les pennes qui terminaient la flèche à l’autre bout et la place sur la corde de l’arc ; puis tirant sur la corde de coton et en tenant la flèche entre deux doigts, elle banda l’arc et la décocha. Elle venait de tuer son premier oiseau ; il s’agissait maintenant d’aller le chercher et de retrouver la flèche. Casser un embout n’était pas trop grave, on pouvait les remplacer, mais il étai plus difficile de trouver ces longs bambous bien droits.
Le hamac se balançait et notre petite fille continuait son rêve, continuait de braver l’interdit. Car les filles, en principe, ne chassaient pas. Elles avaient un rôle dans la société Wayana. Outre la cuisine, elles tissaient le coton pour fabriquer le fil qui servirait à confectionner les hamacs, les cordes des arcs. Elles travaillaient le kaolin et la glaise pour créer des poteries pour la cuisine de tous les jours.
Mais la chasse, elle, était réservée aux hommes et aux garçons. D’ailleurs un de ses grands –frères partait souvent chasser le singe ou le tapir qu’on appelle ici le maïpouri. Souvent elle lui avait demandé la permission de l’accompagner et chaque fois elle avait essuyé un refus.
Mais, ce soir, en rêve rien n’était interdit.
La vieille créole n'a pas fini son récit ce soir là; elle nous a invité à revenir le lendemain pour en savoir davantage. Comme nous, il te faudra attendre la suite demain, lecteur. Que ta nuit soit peuplée des mêmes rêves que Kulinaïlu.