mardi 14 octobre 2008

Libération mars 1945 (1)

Lors de mon dernier séjour, j'ai découvert un document dactylographié de quatre pages, émouvant pour moi, car écrit par mon papa. C'est la transcription d'un brouillon, non corrigé, conservé depuis sa captivité et sa libération par l'armée soviétique le 2 mars 1945.


Je vous le livre en plusieurs épisodes.




Mes derniers jours de captivité et ma libération par les Russes le 2 mars 1945

28 février 1945

Tout le kommando de Martinshagen est en gare d’Altviek.

Nous nous trouvons une centaine de travailleurs : Polonais, Ukrainiens, Ukrainiennes, Russes, aux habits loqueteux. Tout ce monde est aux ordres de contremaîtres allemands à la parole hargneuse et méchante. Deux ingénieurs sont là, chapeau mou et pardessus au col relevé, mains dans les poches. Ils donnent des ordres. Des insultes pleuvent sur les malheureux travailleurs qui se tournent vers leurs maîtres, souriant à toutes ces invectives méchantes.

L’armée rouge se trouve à 25 kilomètres des lignes de défenses poméraniennes, construites en hâte, le Volksturm, les déportés et prisonniers de tous pays. Cette ligne de défense passe à Altviek, Martinshagen où se trouve notre kommando, Nemitz à deux kilomètres de Martinshagen. Que faisons –nous alors que les armées russes avancent victorieusement sur tous les fronts ? Nous élargissons la gare d’Altviek, en plaçant à toute hâte de nouvelles voies. En gare, un train de blessés, provenant de Prusse Orientale. Surgit un jeune soldat en feldgrau. Il parle français ; il s’approche de nous : stupeur ! C’est un français ! Notre cœur se serre ; il a 16 ans, il a quitté sa famille à Lille, pour s’engager dans la Légion des Volontaires Français, contre le bolchevisme. Il vient du combat, et, maintenant il se sauve avec ses maîtres, devant la poussée des Russes. Il nous offre des cigarettes ; nous n’en voulons pas. Nous lui crions notre honte, notre haine ; il reste dans son wagon. Le courage ne nous tue pas et un à un, nous nous éclipsons et nous rentrons au kommando. Les Allemands ont d’autres pensées, ils ne songent plus à nous. Les Polonais, les Ukrainiens, comme nous, quittent le chantier. Les contremaîtres jurent, mais ils n’ont plus la hargne dominatrice d’il y a quelques mois. A mon tour, je quitte le chantier et je pars seul sur la route de Martinshagen, route où, sans interruption circulent des chars recouverts de bâches, tirés par deux chevaux, emplis de réfugiés prussiens. Des prisonniers français sont avec leur patron, et, la plupart sont « chef de famille », les patrons mobilisés étant au combat. Ils vont vers l’Ouest, mais passeront-ils ? car les armées russes tentent d’encercler la Poméranie, en approchant de Stargard et de Stettin.



Grosse journée aujourd'hui et pas mal de kilomètres au compteur...J'ai dégotté une carte de la Pologne et de l'endroit où il était en captivité.Je suis fière de lui, de ce qu'il a fait, de ce qu'il a écrit. Et je vous le livre.

Passez une douce soirée!

16 commentaires:

Anonyme a dit…

BOnjour ...
J'ai dû relire deux fois pour être certiane d'avoir bien lu ....
J'imagine combien cela à dû être bouleversant de trouver , de toucher , de lire un document pareil ... Du coup , je les voyais les tranchés , les soldats , la peur sur le visage des travailleurs .. et puis j'imaginais ce père qui est le tien écrire cette lettre et dans quelle condition .... C'est vrai tu peux être fière.. Mon père était militaire mort en service à l'âge de 28 ans ....En lisant ces quelques lignes , je ne peux m'empêcher d'avoir le coeur serré et les larmes aux yeux ... J'aurai aimé , comme toi , avoir ce genre de document entre les mains . Un héritage du passé .. un héritage de gloire ...
Bravo à lui . A ton père .
Bravo à toi d'aller chercher si loin ce bout d'histoire qui t'appartient et qui nous la fait partager .......

Françoise a dit…

Merci pour ce partage très touchant et émouvant, Muse.
Et merci pour tes mots laissés chez moi.
Belle soirée et douce nuit à toi.
Gros bisous.

Brigetoun a dit…

belle émotion - de quoi lire fébrilement -
les lettres que je devraient classer racontent une toute autre histoire et m'émeuvent (ils ônt passé l'époque durement, honorablement, mais bien loin de cette vie qui fut la sienne)
Je n'en comprends que plus ta fierté

Anonyme a dit…

Bonjour Muse,
un témoignage émouvant ...

Les allemands ont toujours étés méchants, et ils le sont encore aujourd'hui. Connais-tu le poème tu poète juif Paul Celan?
"La mort c'est un maître d'Allemagne".

Étant obligée de vivre en Allemagne pour mon travail pour le moment, je sais très bien de qoui je parle ...

Bonne journée
Amicalement
Eva

http://givethemhell.wordpress.com

Anonyme a dit…

Très émouvant ce texte, mon père a été emprisionné en Allemagne, j'ai retrouvé les documents de sa démobilisation, mon beau-père qui était polonais a été aussi fait prisionnier, la soeur de ma belle-mère habite à Auschwitz...

Bonne journée muse.

herbert a dit…

Tout le monde exprime son émotion.
Moi aussi.
Et bon courage, Muse.
Merci pour les ballons...Mais moi, je ne sais comment faire pour les envoyer...
Bonne journée.
Bisous

Anonyme a dit…

On comprend facilement ton émotion éprouvée à la découverte de ce document qui te rapproche tout à coup encore plus près de ton père. A conserver religieusement et à relire régulièrement.

Anonyme a dit…

c'est très émouvant. C'est toujours difficile à imaginer que nos pères ont été des hommes avanty d'être nos pères...Grade cette lettre tout contre ton coeur :

Jerry OX a dit…

Un document hallucinant !Précis , nourrit !! une vraie page d'histoire !! merci de nous l'avoir fait partager ...ça doit te faire bizarre de posseder un tel manuscrit ! que ta semaine soit merveilleuse !!!

Anonyme a dit…

Souvenir émouvant en effet! Je t'embrasse. Arlette.

Anonyme a dit…

C'est un moment émouvant Muse. Ne jamais oublier ! Merci de ce partage ...

. a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
. a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
. a dit…

Merci pour ce récit si émouvant
Toucher un tel manuscrit c'est retrouver la présence presque physique de ton père
Paroles du passé qui traversent le temps
Merci pour les ballons ils se sont réenvolés vers toi

Anonyme a dit…

Mon père était en Pologne, il a aussi été "délivré" par les russes....

Anonyme a dit…

Très touchée par ce que tu as écrit.
Faire partager.
Merci
Bonne journée
Amitiés
Viviane