Elle m’attendait ce soir là alors que je venais de prendre un bain dans le Maroni. L’air était moite, la chaleur pesante. La saison des pluies se faisait attendre et pourtant plus elle approchait plus l’air se chargeait et moins l’on avait envie de bouger. L’eau tiède du fleuve rafraichissait pourtant. Le niveau était très bas, laissant apparaître les rochers qui d’ordinaire étaient sous l’eau et formaient de petits bassins qu’il valait mieux éviter. C’était là le repère des caïmans et autres piraïs qui détestaient le courant.
Elle portait un chapeau de paille tressée à la forme bien particulière et souriait en me voyant apparaître vêtue de mon seul paréo.
Un carbet regorgeait de maipulis, nom que l’on donne aux tapirs, dans cette contrée. Les momaïs allaient être paré de colliers de perles. Par-dessus le kalimbé venait s’ajuster la ceinture maraké aux motifs si reconnaissables d’animaux mythiques représentant les esprits des eaux et de la brousse. Des colliers faits d’une simple rangée de perles bleues ou rouges entouraient les chevilles, les mollets ou les avant-bras des postulants. De larges colliers pendaient également de leur cou, les alourdissant un peu plus. Certaines personnes que j’ai connues me disaient qu’ils portaient une dizaine de kilos de perles sur le corps. Il est vrai que de larges ornements de perles couvraient aussi le dos ou le torse de chacun d’eux.
Ce que Kulinaïlu apprécia le plus ce fut lorsqu’on vint lui appliquer les peintures corporelles. Des femmes vinrent leur poser, d’abord sur le visage puis sur le corps ces dessins aux motifs géométriques. Elles utilisaient le génipa, colorant végétal bleu-noir et traçaient sur le torse et les bras des motifs sokané. Le regard de Kulu croisa celui de Kulinaïlu, appréciant la beauté des motifs sur son visage. Ils échangèrent un sourire. Et tandis qu’il reprenait sa flute en griffe de tatou, il joua une mélodie qu’il avait composée pour elle.
D’autres momaï avaient pris la trompe lué. Chacun d’eux portait la couronne ornée de plumes de toucans, les plumes de aras aux deux bras.
Ainsi parés, les postulants reçurent des femmes des marmites et un peu de cassave. Il ne s’agissait pas pour eux de manger car ils ne firent que la goûter avant de la jeter à terre. Puis ils firent le tour du carbet et se dirigèrent vers le dégrad pour y embarquer à bord de pirogues. Assis dans les canots, ils regardèrent fixement devant eux, et partirent alors vers le lieu où allaient se dérouler les épreuves.
Là des hommes et des femmes sont abreuvés de cachiri qu’ils vomissent en respectant le rite traditionnel.
Les canots qui transportaient les momaï arrivèrent de concert. Ils en descendirent cérémonieusement et firent le tour du tukusipan, jouant de la flute.
Bonne soirée lecteur que ta nuit soit aussi douce que celle qui se prépare ici.
12 commentaires:
Nous approchons du rituel, j'ai très hâte, les préparatifs sont très intéressants à lire et nous mettent en contexte.
Tu racontes si bien, douce Muse, j'ai bien hâte à la suite, quand tu auras le temps de nous la partager, sans pression de ma part, bien sûr.
Quand je lis cela, je me revois en Afrique assistant à des rituels de fête et j'en ai la nostalgie, mais une bonne nostalgie.
Bon mercredi et bisous de ta p'tite cousine du Québec.
humains : épreuves de passage oui, et plus ou moins dures, mais toujours pour cela parure
Tu penses bien, Muse, que plusque jamais j'ai repris mon calepin...
Merci beaucoup.
Un lecteur assidu...et un très bon élève.
Bisous pour toi
cette fleur dis cette fleur c'est un feu d'artifice végétal ?
Je continue mon beau voyage...Merci Muse et bonne journée !
Vomi soi qui bien y pense pour le cachiri !
Que c'est agréable de te lire: tu me sembles plus sereine et ça fait plaisir. Bonne soirée! Arlette.
Bonsoir Muse,
Un temps si plein... et des soucis.. Même si tu éludes ou si tu ne t'attardes...
Et puis tu viens, pleine de gentillesse nous rejoindre..
Pour tout ça et pour ces récits qui me glacent un peu le dos (caïmans et autres piraïs)...
Je t'embrasse et te souhaite une agréable soirée.
de passage pour lire tes récits toujours passionnants muse.
Bisous d'un femme hyper fatiguée par ses travaux... vivement les vacances.
Bisou et bonne journée à toi!
Je pensais trouvé le dénouement, mais que nenni.. Alors j'apprécie la fleur de roucou.... Bonne journée Muse !
Passionnant, j'ai presque tout rattrapé.
J'adore.
Bon week-end
Amitiés
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